Résidence d’auteur

Une résidence d’auteur ! C’est une aventure que j’ai eu la chance de vivre à l’automne 2014 à Boscodon, dans les Hautes Alpes puis au printemps 2015 à la Robine sur Galabre dans les Alpes de Haute Provence, puisqu’il s’agissait d’une résidence partagée entre deux lieux différents autour d’un même thème « la 1ère guerre mondiale », thème dont j’avais dessiné les contours dans la note d’intention du dossier de candidature du Conseil Général et de la DRAC : « Le thème proposé m’inspire beaucoup, je pense partir du quotidien de femmes et d’hommes qui ont lutté pour la paix dans chacune de ces régions pendant la première guerre mondiale, pour raconter leur histoire, et faire « parler » le pays, sa singularité, la vie quotidienne si différente de la nôtre, et pourtant si proche dès lors qu’il s’agit de faire des choix qui engagent l’avenir. Je pense à Emilie Carles dans la vallée de la Clarée pour les Hautes-Alpes, à ce maire de Château Arnoux qui fit ériger un mémorial pacifiste à la fin de la guerre, pour les Alpes de Haute Provence, mais aussi à des patriotes desquels j’aurai à cœur de découvrir l’histoire, afin de pouvoir donner voix aux différents points de vue à l’œuvre au sein de cette génération confrontée à la Grande Guerre. Eventuellement en interrogeant la mémoire des anciens, lors de rencontres en bibliothèque avec eux, mais aussi des historiens, des familles, etc.

J’imagine un travail d’écriture où la transcription poétique des paysages jouera un rôle important au cœur du récit, ainsi que la relation au temps, aux saisons, à la nature. La parole des personnes rencontrées. Le silence des montagnes et du vent. J’aimerais pouvoir donner leur juste place aux veillées qui se vivaient alors, à tout ce qui tissait le vivre ensemble. Et les rencontres et ateliers qui se vivront autour de cette résidence seront autant de ponts entre nos deux époques. »

Le projet a été retenu, et quelques mois plus tard je partais pour Boscodon. Un lieu à part !

IMG_20140926_150614

J’aimerais d’abord remercier tous les acteurs nécessaires à une résidence telle que celle-ci… L’accueil du premier jour, avec les provisions qui m’attendaient de la part de toute l’équipe de la BDP de Gap, plein de délicates attentions, l’invitation à dîner avec la communauté de Boscodon, cela met tout de suite dans l’ambiance!

Un grand merci à chacune et chacun, tout au long de ces semaines, des journées en médiation ou à Boscodon et à la Robine.

Je peux dire la richesse des rencontres, avec les lieux, les personnes, les équipes, les médiathèques et les bibliothèques, les écoles, collèges et lycées, les lecteurs, jeunes et adultes. Les pistes que certaines personnes, paroles, citations, ont apporté à l’élaboration de cette histoire, comme le personnage des frères Berthalon, par exemple.

La diversité des expériences de médiation, de l’atelier d’écriture à la conférence en passant par la randonnée pour écrire, si elle est parfois très exigeante en termes de préparation et d’animation, est vraiment une belle aventure, dont, avec le recul, je ne garde que les bons souvenirs. Même si dans l’idéal, ce serait encore mieux qu’il y en ait un petit peu moins, pour consacrer davantage de temps à l’écriture. Certaines rencontres sont tout simplement un bonheur ! Existerait-il une recette ? En tout cas certains ingrédients ! Comme par exemple de ne pas dépasser une douzaine d’enfants (et du reste d’adultes aussi !) pour vivre un bel atelier d’écriture, qui permette à chacun de trouver le temps et l’espace de son expression parmi celle des autres. De préparer en amont la rencontre, même s’il est arrivé que certaines, organisées à la dernière minute, se passent très bien ! Je pense quand même, surtout avec des enfants, qu’il est important qu’ils aient été un peu préparés à la venue d’un auteur.

250920148273

J’ai donc animé des ateliers d’écriture en école, en bibliothèque, dans la nature, des rencontres autour de la guerre, des lectures, des causeries, que sais-je ! Je me souviens de ce proverbe japonais que m’a donné un auditeur « Les mots que l’on n’a pas prononcés sont les fleurs du silence ». Je me souviens de moments un peu épiques lorsque j’ai pour mission de faire découvrir, par exemple, les Haïkus, ces délicats poèmes venus du Japon, à des enfants qui arrivent directement de la cantine précédée de deux heures de sport rouges et essoufflés… Parfois c’est un véritable défi ! Evidemment, l’énergie consacrée à ces médiations n’est pas forcément renouvelable instantanément, d’où la difficulté de se consacrer en même temps aux médiations et à l’écriture !

Je me souviens des moments magiques, lorsque nait la poésie dans les yeux et sous la plume d’un enfant émerveillé…

Le compte rendu de la résidence d’auteur à Boscodon

IMG_5400

 

Côté écriture,

une fois arrivée à l’abbaye de Boscodon, les lieux ont parlé… Et au fur et à mesure des jours et des semaines vécus dans la beauté des pierres et de la forêt, il est devenu évident que l’histoire en gestation se déroulerait dans ce cadre. J’ai gardé le cap sur les acteurs de paix dans cette guerre, même si ceux qui ont suivi l’aventure depuis le début ont pu voir par quelles affres de la création j’ai eu à passer, doutant, peinant, butant sur les pierres du chemin, par moments sur le thème lui-même, la guerre de 14-18, qui a été un combat à mener pour trouver la façon d’écrire autour de cette terrible réalité, puis sur la difficulté de quitter les lieux de Boscodon, berceau de l’histoire, pour, quelques mois plus tard, poursuivre dans les Alpes de Haute Provence, sans toutefois le terminer, mon travail d’écriture.

Ce que je peux dire avec le recul des mois écoulés, c’est la difficulté, pour l’auteur que je suis, de parler de mon travail d’écriture lorsqu’il est en cours… Je me sens mieux à à présent que la délivrance a eu lieu…  

Voici donc comment il se présente aujourd’hui : De certains lieux se dégage une force qui non seulement les a façonnés, mais continue de les animer au long des siècles. Boscodon est de ceux-là, situé au confluent de trois torrents de montagne, au cœur d’une forêt millénaire, d’abord élu par des ermites pour y établir une demeure de paix, suivis des moines de Chalais qui bâtirent l’abbaye au XIIème siècle, avant qu’elle ne devienne un hameau peuplé de paysans à la révolution. En ce printemps 1914, les rumeurs de guerre se font plus insistantes. Ceux qui vivent-là vont être emportés dans la tourmente, nous donnant de les suivre dans leur quotidien en ce site singulier. A quelques kilomètres à vol d’oiseau, dans une vallée austère aux racines vaudoises puis huguenotes, deux frères sont prêts à tout pour ne pas tuer. Parce que, selon les paroles d’Arthur Rimbaud « Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes » cette histoire s’attache à décrire la quête de ses personnages, de leurs montagnes jusqu’au front, leurs interrogations spirituelles, leurs actes et leurs espoirs face au déchaînement de la violence qui les environne de toute part. La transcription poétique des paysages joue un rôle important au cœur du récit, ainsi que la relation au temps, aux saisons, aux bêtes, aux arbres, le silence des montagnes et du vent. Roman d’initiation à l’âpre lutte pour la paix de son héroïne, la jeune Irène, il est construit selon une progression à travers les faits de l’Histoire au regard des paroles de sagesse puisées dans les psaumes, les évangiles, les textes des pères du désert et les mystiques.

Ce roman qui a pour titre « Dans le ciel de la guerre, la paix » cherche à présent la maison d’édition qui lui correspond. Une face cachée de la montagne, parfois très escarpée!

Au cours de cette résidence, j’ai également mené à bien un autre travail d’écriture qui est lui aussi achevé, et peut-être en voie d’être édité. Il s’agit d’accompagner des Oiseaux calligraphiés par l’illustratrice Anne Romby, avec laquelle j’ai eu le bonheur de publier deux albums, et qui m’a demandé si je voulais bien accompagner ses oiseaux par des Haïkus, une centaine, pour composer un recueil.

Xiao Niao